Femmes de Chefs, mais pas que...
- Cécile Morelle Lereuille
- 6 mars
- 7 min de lecture

En cette Journée Internationale des Droits de la Femme, j'ai à cœur de partager les témoignages de deux femmes que j'admire profondément et qui travaillent main dans la main avec leurs maris, chefs de restaurant à Dijon. Réels piliers au sein de leurs établissements gastronomiques respectifs, elles illustrent, à travers leurs parcours, le pouvoir de la passion, de la résilience et de l'engagement, des qualités qui les rendent uniques dans un secteur où la pression est constante. Leurs rôles essentiels aux côtés de leurs maris montrent que la réussite d'un restaurant repose également sur le soutien des femmes, souvent discrètes mais toujours déterminantes. Découvrez leurs interviews et plongez dans leur quotidien inspirant.

L’interview de Fanny Bernigaud
Fanny Bernigaud, femme de Richard Bernigaud, chef du restaurant L’Essentiel à Dijon. Nous raconte avec sincérité son parcours, son rôle aux côtés de son mari et la manière dont elle a trouvé sa place dans cette belle aventure familiale.
Depuis quand travailles-tu avec ton mari ?
Depuis l’ouverture en 2016 pour le secrétariat, et à temps plein depuis septembre 2022.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de rejoindre l’aventure du restaurant avec ton mari?
C’est Richard qui me l’a demandé pour l’épauler et le soulager.Difficile de tenir le rythme entre mon temps plein (qui me demandait beaucoup), le secrétariat du resto et nos 3 filles (qui ne supportaient plus ce rythme).
Quel est ton rôle au sein du restaurant ?
Le secrétariat, le service (pour soulager l’équipe de salle et permettre à chacun d’avoir des demi-journées de repos), la déco selon les saisons, la gestion des groupes (explication des formules, adaptation des menus, propositions, recueil des choix…) pour que l’équipe ait toutes les informations et pour soulager Richard des formalités administratives.
Comment ton métier d’avant influence-t-il ta façon de travailler aujourd’hui ?
Je retrouve ce que j’aimais le plus dans mon métier d’infirmière : le contact humain, la relation aux autres, ce qu’on nous apprend dès nos études.En service, c’est 90 % de notre métier : écouter, conseiller, expliquer et entendre.
Mais aussi, savoir gérer le coup de feu et la pression du service. J’applique les mêmes règles qu’à l’hôpital : calme et organisation.
Décris ton quotidien en trois mots :
Secrétaire, serveuse et MAMAN.
Quelle est la plus grande force de votre duo ?
Il est en cuisine, je suis en salle. Chacun son rôle, tout en étant complémentaires pour offrir la meilleure expérience possible à nos clients.Pour ma part, ce resto, c’est son « bébé ». Moi, j’ai débarqué dans cet univers que j’aime énormément, et je prends ma place petit à petit.Il a souvent le dernier mot, mais il écoute ce que j’ai à dire.Et j’aime anticiper ce dont il aura besoin.
Un mot qui résume votre complémentarité :
Unis, ensemble.
Comment fais-tu la part des choses entre vie professionnelle et vie personnelle ?
Les deux sont très entremêlées, comme pour toutes les mères.Et encore plus quand on travaille tous les deux pour soi-même. Le travail est présent à la maison, comme la famille est présente au resto.Je suis avant tout mère, donc elles passeront toujours en priorité.Avec Richard, nous avons toujours dit que nos filles ne devaient pas subir nos métiers. C’est aussi pour ça que j’ai changé de vie professionnelle.Le resto est intimement lié à notre famille. Nos filles savent ce qu’implique ce métier : papa n’est pas là le soir pour le repas ou le coucher, et elles ne lui en tiennent pas rigueur.C’est moi qui prends le relais.Mais ce n’est pas toujours simple de faire la part des choses.
Quel est l’aspect du métier qui te passionne le plus ?
L’humain !!!Le relationnel !!!Les gens viennent chez nous pour se faire plaisir, j’adore être aux petits soins pour eux, échanger, leur faire découvrir de nouvelles choses. C’est passionnant et j’apprends tous les jours.C’est un métier en perpétuel mouvement, qui pousse à se remettre en question.
Quel est le plus grand défi auquel tu as dû faire face ?
Apprendre un nouveau métier sur le tas.L’équipe en place à mon arrivée m’a formée, m’a appris ce nouveau monde avec ses règles, ses codes, son fonctionnement. Mais le plus dur, c’est que j’étais très attendue dans ce poste. De la part des équipes, parce que j’étais « la femme du chef », comme si j’avais toujours fait ça !Et aussi de la part de Richard : je ne voulais surtout pas le décevoir. Il m’avait dit que je le représenterais en salle, la barre était haute !!
Un mots pour finir ?
Il y a 9 ans, Richard réalisait son rêve de gosse : ouvrir son resto.Je m’y suis investie parce qu’il était impensable pour moi de ne pas le soutenir. Mais enceinte à ce moment-là, j’avais aussi d’autres priorités.On a fait des choix ensemble, mais il a pris la majorité des décisions parce que je ne me sentais pas légitime. C’était son monde, son resto, ses envies.
Aujourd’hui, avec notre nouveau projet, c’est différent.J’ai un autre regard sur la restauration, sur son fonctionnement, et j’ai aussi des envies dans cet univers. Je m’impose davantage. Mais il aura toujours plus de voix que moi, parce qu’il est là tout le temps, il fait des heures de dingue, il accumule la fatigue, et ça, je le respecte. Je ne fais pas rien : je m’occupe de notre famille et je le seconde. La femme de l’ombre.
L’interview d’Anne Claire Arnold

Partenaire de vie et partenaire professionnelle, Anne-Claire Arnold, femme de Nicolas Arnold, chef du Restaurant L’Auberge des Tilleuls à Messigny-et-Vantoux, nous raconte son parcours, son rôle primordial au sein du restaurant et les défis qu’elle relève chaque jour avec passion et enthousiasme.
Depuis quand travailles-tu avec ton mari ?Depuis le 9 mars 2016, date à laquelle nous avons acheté notre tout premier restaurant.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de rejoindre l’aventure du restaurant ?
Avant tout, une confiance les yeux fermés dans son professionnalisme, son sérieux, sa connaissance et sa curiosité infinie pour la cuisine.
Quel est ton rôle au sein du restaurant aujourd’hui ?
Je m’occupe du nettoyage des lieux, de la mise en place et du service en salle. Je gère également la caisse, la relation avec les clients, ainsi que les stocks du bar et des vins.
Comment ton métier d’avant influence-t-il ta façon de travailler aujourd’hui ?Mes études dans le commerce et mes expériences professionnelles, que ce soit dans la banque, le prêt-à-porter ou les bureaux, m’ont donné de solides bases pour la relation clientèle et la gestion administrative. Mais pour le service en salle, ce sont nos tout premiers employés qui m’ont formée. Le reste, je l’ai appris sur le terrain, au fil des services.
Si tu devais décrire ton quotidien en trois mots, lesquels choisirais-tu ?Enthousiasme, passion et sérieux.
Quelle est la plus grande force de votre duo ?
Une confiance aveugle dans ce que chacun est capable d’apporter à l’autre et à l’équipe. L’écoute et la remise en question sont aussi primordiales. Et nos 14 ans de vie commune nous aident beaucoup dans ce sens !
Y a-t-il un moment où tu t’es dit : on est vraiment une bonne équipe ?
Tous les jours, sincèrement. Je ne crois pas qu’il y ait une seule journée où j’ai regretté mon choix.
Un mot ou une anecdote qui résume votre complémentarité ?
Il arrive plusieurs fois par semaine que, lorsqu’il a besoin de quelque chose en cuisine, je le devine avant qu’il ne le demande. Je lui apporte ce qu’il lui faut, et inversement. Parfois, on n’a même plus besoin de se parler, un simple regard suffit. Même avec la porte de la cuisine fermée, on se comprend.
Comment fais-tu la part des choses entre vie professionnelle et vie personnelle ?
On vit avec notre métier, c’est une évidence. Mais on essaie de ne pas en parler au moins le dimanche (enfin, on essaye !). Mon bureau est à la maison, donc il est impossible de faire une vraie coupure, mais on fait en sorte de ne jamais laisser un conflit professionnel franchir la porte de la maison. C’est mon mari qui m’a appris ça, il est très fort pour ça, et j’ai beaucoup appris à ses côtés depuis neuf ans.
Quel aspect de ton métier te passionne le plus ?La relation avec nos clients fidèles. On a appris à se connaître et un vrai respect mutuel s’est installé. Je ne passe pas un service sans discuter avec une bonne partie d’entre eux. Ils sont formidables.
Quel a été le plus grand défi auquel tu as dû faire face ?Apprendre à ne pas me laisser blesser par certaines remarques ou avis. Ne pas me laisser influencer négativement par la colère de certains. Quand je suis touchée, j’ai tendance à réagir de manière un peu trop dure. C’est un défi personnel que j’ai dû relever, et j’y travaille encore.
Quel conseil donnerais-tu à une femme qui veut se lancer dans la restauration seule ou aux côtés de son conjoint ?
Se faire confiance avant tout. Ne jamais chercher à être supérieure à l’autre : la salle et la cuisine sont aussi importantes l’une que l’autre. Et surtout, oser se lancer ! Ce métier est tellement passionnant et aucun jour ne ressemble au précédent. On peut même réussir à concilier vie de famille et travail en adaptant un peu les horaires.
Quel regard portes-tu sur la place des femmes dans la gastronomie aujourd’hui ? Les femmes ont longtemps été cantonnées à la salle, et je trouve ça dommage. Après tout, un beau sourire d’homme en salle, c’est agréable aussi, non ? (rires) Heureusement, les choses évoluent. Les femmes ont trouvé leur place, l’ergonomie des cuisines s’est adaptée et aujourd’hui, il n’y a plus de réelle différence avec d’autres secteurs d’activité.
À travers leurs témoignages, elles nous montrent qu'en cuisine, comme dans la vie, l'équilibre, la résilience et la détermination sont les clés pour surmonter les défis et faire grandir des projets ambitieux. Un grand merci à elles pour avoir partagé leur histoire et pour la confiance qu'elles m'accordent au quotidien dans la gestion de la communication de leurs établissements. C’est une manière pour elles de déléguer, et pour moi, de faire partie de leur équipe… de leur famille !
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